Portrait : un duo dynamique pour le LBBA-LabClimat

Deux jeunes architectes ont relevé le défi d’animer le LBBA-LabClimat, le think-tank de LBBA-Architecture qui aiguillonne l’agence dans sa volonté d’adapter sa production architecturale aux défis qui attendent nos sociétés face au changement climatique.  

Portrait !

Charlie Stassinet a intégré le LBBA-LabClimat depuis sa création informelle en 2019, il a été rejoint en 2020 par Robinson Doumic ; à eux deux ils forment un duo de conviction et d’énergie propre à entraîner l’ensemble des membres du Lab dans cette belle aventure. Moteur solaire du Lab, ils ont mis en place son organisation, orienté ses objectifs et rythmé sa temporalité. Surtout, ils ont fédéré un groupe qui désormais attend avec impatience chaque vendredi et chaque workshop pour progresser ensemble vers l’architecture de la résilience.

Le LabClimat, pourquoi faire ?

Charlie Stassinet : Le Lab agit comme une structure identifiée qui permet à tous ses acteurs de sortir du quotidien et de la temporalité des projets pour simplement réfléchir. Cette prise de recul est nécessaire et avec le temps nous voyons que cela a un impact sur les arbitrages que nous menons au quotidien sur nos projets.

Robinson Doumic : Le Lab nous donne aussi l’occasion de partager nos points de vue, surtout pour les architectes qui gèrent seuls leur projet. Il représente aussi une ressource lorsque nous faisons face à des interlocuteurs peu réceptifs à ces sujets. C’est un incubateur à idées et à connaissances finalement !

CS : Si on en reste aux lectures et consultation de sites web on peut vite se sentir désarmé face à une élue ou un maître d’ouvrage qui ne souscrirait pas à ces préoccupations ce qui est, faut bien le dire, notre quotidien ! Réfléchir à ces sujets à l’échelle de l’agence à travers une entité distincte nous permet de gagner en autonomie, en compétences, en connaissances et en argumentaire et constitue une preuve de notre engagement : l’engagement par la preuve est une de nos obsessions !

RD : le Lab agit comme une start-up qui se pose des questions et qui ne cherche pas de rentabilité ou de débouchés immédiats. On se sent utile, on fait évoluer les choses, on est dans le collectif et on passe des moments humains assez impressionnants. Tout cela est très enrichissant.

Et puis, ça intrigue en interne comme en externe. C’est déjà une petite victoire quand on nous demande pourquoi le Lab. Cela veut dire que les gens s’y sont un petit peu intéressé.

Pourquoi vous ?

RD : À vrai dire, mon entrée au Lab s’est faite lors de mon entretien d’embauche ! Je me sens très concerné à titre personnel et mon projet de fin d’études à l’École d’architecture de Nancy alertait et proposait des solutions pour faire face à la montée des eaux dans l’Île de Ré. L’agence souhaitait intégrer ce type de réflexions à travers une structure qui était en cours de définition. Je suis venu avec cette envie et nous avons commencé à travailler avec Charlie.

Sans le Lab, j’aurais l’impression de ne rien faire à une grande échelle. Cela m’aide à mieux dormir la nuit de me dire que je ne suis pas inactif dans mon milieu professionnel face à l’urgence climatique, à me sentir utile finalement.

CS : Dès lors que l’on comprend le changement climatique et cette urgence, on peut très vite se sentir désemparé et s’interroger sur le poids de son action personnelle et professionnelle pour faire bouger les lignes. Le Lab nous donne la chance de pouvoir travailler sur ce sujet avec des gens qui partagent les mêmes convictions.

Je ne fais pas ça que pour l’agence, c’est avant tout un engagement citoyen et humain. Nous sommes des architectes engagés, et dans le Lab nous interagissons sur une même ligne de partage et en dehors de toute notion de hiérarchie, d’âge ou de formation.

Quelles évolutions pour l’Architecture à l’ère de l’Anthropocène ?

RD : Je suis convaincu de la nécessité de la réhabilitation et de celle de l’envisager de façon plus mixte. Nous devons, dès maintenant, interdire les démolitions, pour ne les envisager que de façon dérogatoire. Changer d’orientation et faire en sorte de sortir de l’ère de l’obsolescence programmée, qui existe aussi dans le bâtiment !

D’un autre côté, la situation nous oblige à changer notre manière de faire, ce qui est difficile puisque les commandes ne placent pas ces sujets en préalable à l’acte de construire. Il faut changer de point de vue, s’affranchir de beaucoup de contraintes qu’on s’est imposées avec le temps. Pour autant, nous n’avons pas vocation à devenir des experts dans un seul domaine, loin de là !  Notre rôle doit rester pluridisciplinaire. Être capable de coordonner les acteurs de la construction et d’être un pivot d’aide à la décision, de remise en question et de prescription.

L’avantage avec le Lab est que c’est nous qui choisissons de changer, nous en avons extrêmement envie et nous le faisons de façon collective (entre architectes mais aussi avec nos partenaires). On en est au début mais nous tentons de le concrétiser de jour en jour. Cela rend les choses plus faciles au quotidien : « seul on va plus vite, ensemble on va plus loin » !

CS : Nous devons repenser la question des usages et de la mixité programmatique. Aujourd’hui, un bâtiment ne sert que 30% du temps, ce qui veut dire qu’il y a eu une énorme dépense d’énergie, de matière première, etc. qui est inutile à 70% du temps. C’est vrai aussi pour les villes. Il n’est plus possible d’avoir des quartiers hyper spécialisés où personne n’habite. Il faut s’attaquer à la problématique de l’étalement urbain, préserver les terres agricoles et les zones naturelles. Il faut redonner du sens à la ville, au collectif, introduire massivement le végétal, lutter contre les îlots de chaleur, réinterroger notre rapport à l’eau et au vivant…il y a tellement à faire !

Il faut porter un regard nouveau sur l’architecture et comprendre que tout ce qui est constitutif d’un bâtiment représente de la matière première extraite de la Terre, mais aussi les matières premières de nos constructions de demain. Il n’est plus possible de penser notre planète en mode « open bar ». Il faut réfléchir différemment, s’interroger sur la place de l’ornementation, si l’utilisation de tels matériaux est justifiée ou non, puis en tirer parti au maximum.

Dans cette perspective, l’architecte doit agir non seulement en concepteur et constructeur, mais aussi et avec les personnes de bonne volonté, comme médiateur auprès des élus, des maîtrises d’ouvrage, des particuliers, des entreprises, etc. Nous sommes qualifiés pour cela : nous pouvons expliquer et modéliser les possibilités et les arbitrages en fonction de l’enjeu climatique.

Il faut changer de regard et mettre l’énergie de la créativité au bon endroit.